lundi 18 mars 2013

Omega l'inconnu : plus pour très longtemps !

Omega l'inconnu
Jonathan Lethem, Karl Rusnak/Farel Dalrymple
Marvel/Panini
Oct 2012

Omega est en fait série américaine de Marvel appelée "Omega the unknown", créée en 1976 par Steve Gerber et dessinée par Jim Mooney. Après 10 épisodes dans la revue éponyme, ceux-ci s'arrêtent faute de ventes suffisantes, gagnant cependant au passage un statut culte*.
En 2007, l'écrivain Jonathan Lethem, accompagné par Karl Rusnak, revisitent la série, en faisant appel à Farel Dalrymple, jeune dessinateur indépendant pour l'illustrer. 

...USA, aujourd'hui. Alexandre, un adolescent,  fait de drôle de rêves. Il voit une sorte de super héros en tenue bleu et rouge se battre contre des robots.  Ses parents, qui l'ont éduqués jusqu'à présent, isolés dans leur maison, se décident à l'inscrire à une fac en ville. Mais en chemin un accident survient, et ceux-ci meurent brutalement, révélant malgré eux leur identité de robots à leur enfant . (...)
Alexandre est transporté à l'hôpital, tandis que la police, en lien avec un étrange personnage vêtu lui-aussi d'une tenue de super héros (le Mink), efface les restes robotiques. Alexandre commence alors une nouvelle vie... qui va lui révéler sa condition particulière...
Couverture du comics #4/7

...Attiré par la couverture cartonnée sous jaquette glacée mettant en scène un personnage un peu nerd en tenue de super héros, je ne savais pas trop à quoi m'attendre malgré un sentiment plutôt sympathique ....
L'étrangeté et la qualité d'écriture m'ont cependant happés sans relâche possible. Si Jonathan Lethem a repris avec Rusnak une série existante du silver age Marvel (années 70), n'oublions pas que celle-ci a fait long feu et n'est pas très connue en dehors des grands amateurs. Le ton était déjà particulier et relativement décalé à l'époque, Lethem l'a semble t-il accentué, et le dessin de Farrel Dalrymple, issu de la scène alternative, fait d'avantage penser à un Daniel Clowes ("Le rayon de la mort") ou un Dash Shaw ("Body world"), qu'à un John Byrne ou d'autres maîtres du monde super héroique. C'est ce qui fait tout l'intérêt de ce comics.

Les personnages sont nombreux et complexes, tout comme les méandres de son scénario. SF et politique sont mixés dans une histoire particulièrement abracadabrante mais bien tenue, et Phillip K Dick n'est pas loin.
Beaucoup de justesse et de tendresse dans le ton, font d'Alexandre et ses amis, mais aussi les autres protagonistes, des personnages attachants, et au final un "one-shot" très réussi.


Nb : A la fin du recueil, 12 pages richement illustrées sur la série originale de Gerber complète l'histoire, tout comme la reproduction des couvertures des 7 nouveaux comics.

*En France, Omega the unknown a paru dans revue Artima "L'Inattendu" # 17, 20, 21, 24 (1979-1980)

Le site officiel de Omega the unknown

Interview de Farel Dalrymple (Nov 2007)

Interview de Jim Mooney (Fev 2000)

vendredi 1 mars 2013

Inlandsis : terre de légendes cruelles

Inlandsis t1 & 2
Stéphane Betbeder/Paul Frichet
Soleil
Janvier 2012/Janvier 2013

Dans la profusion des nouveautés offertent chaque mois aux lecteurs de bande dessinée, il est normal de ne pas faire attention à tout et de laisser passer quelques titres. Il en va ainsi d'Ilandsis, dont le premier tome "2 bras deux jambes" a paru en janvier 2012.
On aura pourtant sûrement remarqué sa belle couverture réalisée à la gouache, par un jeune Paul Frichet, dont c'est seulement le deuxième abum, après un passage chez Treize étrange.

L'inverse de Stéphane Betbeder, son aîné, qui lui, cumule les projets chez divers éditeurs depuis environ cinq ans; ces derniers surfant quelque peu sur la vague historico-ésotérique à la mode (lancée par Glénat ?) ces quinze dernières années. 
En dehors de l'attrait de ses couvertures, (la deuxième, du tome "Frère de coeur, soeur de sang" paru ce mois-ci est encore plus belle), on remarque sur cette série prévue en trois volumes un dessin tout à fait agréable et original, fait d'un trait médium, dont le style oscille entre clareté et hachures bien distillées.
Les couleurs, assurées par le dessinateur, sont aussi rendues tout en finesse.
On est loin de la coloration "m'a tu vue" de certains albums de l'éditeur toulonnais, comme on a pu en remarquer (trop) longtemps, sur des récits souvent peux différents de surcroît.
Il faut dire que Soleil a su bien évolué ces cinq dernières années. (...)

Passé ces réflexions d'ordre éditorial, on remarque sur Inlandsis un scénario personnel très intriguant.
Le récit nous plonge dans les légendes Inuit, et s'ouvre en 1909, lors de la dernière expédition de Robert Peary, ("découverte" du Pôle nord, contestée).
Mauss, un des scientifiques, espère pouvoir retrouver et interviewer la plus vieille femme d'une tribu, rencontrée deux ans auparavant, afin d'enregistrer le récit de sa culture ancestrale.
Page issue du blog de P. frichet
Dans le tome 1, deux flash-backs  : l'un très ancien, remontant aux temps où hommes et animaux étaient doués de la même parole, alors que les Dieux les dissociaient afin de ne pas être menacés, et l'autre : lors de la découverte de cette terre de glace, par les Vikings, nous permettent de nous plonger dans l'explication de ce qui va arriver à notre expédition du présent.



Dans le tome 2 "Frère de coeur, soeur de sang"  la cruauté gagne en puissance, avec l'apparition du Tupilak, une créature faite par le dieu banni, avec des reste d'animaux et d'humains morts à qui l'on a insufflé la vie. Celui-ci va partir à la chasse de ces deux enfants génants.
Mais peut-on prévoir ce qu'il leur adviendra ?...

La construction scénaristique est posée de belle manière, et reste claire tout du long, même si elle demande un peu plus d'attention que la moyenne.

Apparition du Tupilak
(©Soleil/P. Frichet, Betbeder)
Cette terre de glace garde son mystère même aujourd'hui, mais pouvoir découvrir ces légendes en direct dans ces albums, procure un effet particulièrement agréable.
L'histoire de ces 6 enfants dieux qui, abandonnés des leurs, vont donner  naissance à deux enfants : Akna (garçon), et Miki (fille), qui vont à leur tout venir intérférer sur la vie des hommes et des animaux, tout en étant pourchassés par l'un des dieu banni, est particulèrement attachante.
Les décors sont superbes, et la magie des éléments très durs invoqués, opère.
...Vivement le tome 3 !



Analyses