jeudi 30 janvier 2014

Médée : et Nancy Péna révélée

Médée, L’ombre d’hécate
Nancy Pena/Blandine le Callet
Casterman Nov 2013

Tiens, une dessinatrice apparaissant avant la scénariste, sur une couverture, c’est assez peu commun pour être relevé. Mais Nancy Péna le mérite.
Elle est une « jeune » dessinatrice née en 79, plutôt orientée dessin jeunesse. Cependant lorsque l’on voit ses publications BD chez la Boite à bulles, ou certains petits livres de belles images chez Charrette, on se dit que son style hachuré noir et blanc (ou colorisé) marque surtout par son côté indépendant et mature (1).

D’ailleurs, une fois compris que cette demoiselle aimait les chats, on tombe d’accord pour admettre qu’elle se débrouille très bien sur des récits adultes, d’autant plus qu’elle réalise le scénario en sus, et qu’elle ne choisit pas la facilité: Le cabinet chinois (2003), Le Bestiaire de l'Olympe (Milan, 2011, une préfiguration de "Médée" ?), la Guilde de la mer (2006, 2008 La boîte à bulles)…
 En effet, ces récits influencés ou directement inspirés de légendes et cultures asiatiques (pour ne pas dire chinoises) attirent l’attention par leur originalité. Le style bigarré et très détaillé totalement adapté au propos complète le tableau que l’on peut faire rapidement de cet auteur.

Médée est un des premiers album co-réalisé avec un scénariste, et cela marque un tournant dans la jeune carrière déjà bien remplie de Nancy Péna chez les fanzines et les indépendants.
Nancy Le Callet, de dix ans son ainée, enseigne le latin à l’université.
Toutes deux s’associent cette fois-ci pour nous conter l’histoire de Médée, 3eme enfant sur 4 de Ydia et Aiétés, roi de Colchide.

Cela commence en Grèce (antique), alors qu’une vieille dame accompagne dans la mort son esclave. Celle-ci se dirige ensuite vers une grotte connue d’elle seule, et contemplant des souvenirs, nous offre son passé…
Médée a une grande sœur, et un petit frère : Absyrtos, sujet à des crises d’apoplexie. Il est la douleur de son père, le roi, qui jalouse les enfants de sa propre fille : Calciopée, mariée à Phrixos : 4 superbes garçons.
P.39 issue de :
http://blandinelecallet.tumblr.com/
C’est ainsi, que, plutôt désinvolte, mais passionnée de tout*, elle va prendre petit à petit une place particulière dans la famille et la ville, jusqu’à devenir, à sa maturité, prêtresse au temple d’Hécate, déesse des enfers…


L’intérêt de cet album, en dehors de ses qualités graphiques déjà abordées, mais celles-ci se révèlent encore davantage dans ce beau livre cartonné aux pages de garde soignées, réside dans le choix de sa scénariste de nous proposer l’enfance de cette prêtresse bien connue dans la mythologie grecque.
Il y avait matière, et la matière se déroule lentement mais avec beaucoup de saveurs, nous délivrant au passage une foule de détails historiques et culturels.
Un livre soigné, une histoire passionnante dés le premier tome… beaucoup aimeraient en être déjà à ce niveau.
Nul doute que ce 1er tome de « Médée » soit une porte grande ouverte vers la reconnaissance bien méritée de ces deux auteures.


(1) Indépendante, certes, elle l'est, quand on sait qu'elle a participé avec Guillaume Long à l'illustration de l'album "The And" d'Angil & the Hiddentracks.

(*) Le nom de Médée est issu du verbe grec "médomai" ("μηδομαι") « méditer », issu de la racine d'origine peut-être médique "med" : comprendre, concevoir1. Ce nom révèle peut-être le savoir ou la capacité à raisonner de ce personnage (Wikipedia)

Le blog de Nancy : http://nancypena.canalblog.com

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mercredi 29 janvier 2014

Winter world : le dégel pour Jorge Zaffino !

Winter world
Chuck Dixon/Jorge Zaffino

Delcourt
Juillet 2013

Jorge Zaffino était un artiste Argentin, qui a commencé à dessiner très tôt, à l’âge de huit ans pour l’industrie. Il s’est d’abord fait connaître en dessinant le fameux Nippur de lagash, série d’aventure historique, jamais traduite en France.
Puis il part aux Etats-unis avec un ami, et fait là-bas la connaissance de Chuck Dixon, scénariste de comics Marvel et DC qui tombe sous le charme de son dessin et lui propose une mini série de SF survivaliste : « Winterworld". Celle-ci est éditée en 3 fascicules chez Eclipse en 1987 et 88, avec un deuxième chapitre intitulé : « Winter seas ».
Ce sont ces deux chapitres que Delcourt nous propose fort heureusement, trente ans après, sur 143 pages.
Une planche originale du récit,
tirée de Comicartfans.com

Winterworld, c’est l’histoire de Scully, un aventurier plongé dans ce monde glaciaire où l’humanité survivante s’est regroupée en tribus plus ou moins sauvages. Lui à bord d’une sorte de tank, les fourni en provisions diverses. Suite à une agression, il récupère Wynn, une adolescente à qui il s’attache. Mais la malchance s’acharne et tous les deux vont être amenés à défendre leur peau après leur mise en esclavage par une autre bande organisée.
Celle-ci qui produit des aliments naturels au sein d’un stade couvert transformé en serre géante…

Winterworld, comme nous l’indique le 4eme de couverture, « figure parmi les influences majeures des comics des années 1980 ». A sa lecture, cela semble évident que c’est grâce à des récits de ce type, et d’autres similaires comme ceux d’Alan Moore par exemple avec la ballade de Halo Jones, que des scénarios comme Walking dead ont pu germer des décennies après. Violence, négociations entre tribus survivalistes, moyens de transports inventifs, réflexion sur la condition humaine, tout y est.
Quant au style fin, nerveux et hachuré en noir et blanc des dessins, assez typhique des années 80, il sert à merveille un scénario très dynamique réservant beaucoup de surprise et d’inventivité.
Couverture du Sketchbook

Dire qu’il a fallu la mort de ce dessinateur pour qu’enfin, ce qui est considéré comme son oeuvre majeure paraisse en France est incroyable. D’autres dessinateurs et auteurs sont encore sûrement dans ce cas, mais le sentiment de tenir une référence dans ce petit album est si fort que cela en est presque triste.
Zaffino a pourtant eu quelques opportunités de publications françaises, mais pas très avantageuse : 1 récit dans « Batman black & white » en 1996, 1 dans le tome 2 de « Hellraiser » (comics USA) 1991… et on verra peut-être bientôt les 34 pages de son « Horned god » de Savage sword of Conan (1989)*
Mais disons que cela n’est pas grand chose, à la vue de son talent. 

Un petit sketchbook a été édité en son temps dans les pays hispaniques.
cf : http://www.historieteca.com.ar/Novedades/editoras/ancaresanteriores.htm; et il serait intéressant de pouvoir parcourir un tel document mis à jour.

Merci à Declourt en tous les cas pour cette initiative heureuse.


(*) Inclus dans l’édition TPB à paraitre en mars aux USA ! (Volume 16)

Consultez : http://www.dixonverse.net/artpages/winterworld.htm

http://dylanwilliamsreporter.blogspot.fr/2012/08/all-that-could-have-been-jorge-zaffino.html

Un tas de planches à dévorer, en ligne, sur la galerie de Gianmaria !

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samedi 18 janvier 2014

"Qui es-tu Aâma" ?

Aâma T3
Le désert des miroirs

Frederic Peeters
Gallimard
Octobre 2013

Voyez-vous ça : déjà une dizaine d’années que Lupus a paru : superbe triptyque de science-fiction d’un suisse talentueux remarqué quelques années plus tôt avec « Pillules bleues » chez Atrabile, et.. pas une chronique sur Nebular, ni Hectorvadair’s ?
J’avoue que moi-même je n’y comprends rien. J’avais pourtant apprécié « Pachydermes », (2009), one shot très bizarre, qui surfait sur l’étrange bien que ne pouvant être rangé dans le genre SF... et adoré le lancement de cette dernière série « Aama », science-fiction « intellectuelle » (*) de grand cru, dans laquelle j’avais pourtant vu dés le premier tome un classique » immédiat.
Mais le temps.. des occasions manquées.. des oublis..
Bref, rattrapons ce retard honteux :

Frederik Peeters nous a emmené depuis deux tomes déjà dans un voyage aux confins de la galaxie, sur Ona(Ji) planète sauvage ressemblant aux premières aubes de la terre. Verloc, personnage présenté en début de récit,  a en effet du fuir Radiant et sa justice, à bord du vaisseau de son frère Conrad, chargé de mission de sauvetage sur Ona(ji), où d’étranges expériences ont été menées. Churchill, un robot à apparence de gorille, l’un des plus sophistiqué aujourd’hui, les accompagne.
...C’est en tous cas ce que nous raconte Verloc, depuis le début du premier tome, en lisant ses propres notes, car il a perdu toute mémoire récente, et, désorienté, seul avec Churchill sur Ona(ji),  il doit retisser le fil de leur voyage.

Nous retrouvons donc dans ce tome la troupe, complétée par les colons sur place abandonnés, en « randonnée » sur Ona(ji), en train de lutter de plus en plus durement avec les pico robots, sorte de réseau électronique puissant, s’étant répandu et intégré à la vie grouillante de la planète, et détruisant/ingérant toute matière étrangère intruisive.
Rappel : Entre temps, Varloc avait  aussi retrouvé sa fille, laissée pourtant sur Radiant auprès de son ex compagne.. Mais est-ce bien sa propre fille ?
Avançant difficilement dans la jungle sauvage exubérante et électro-organique d’Ona(ji), la troupe va subir à la fois d’étranges expériences personnelles ainsi que de lourdes pertes.
L’issue du récit semble à la fois fatale et proche.
Un essai sur le blog de Frederic Peeters

(*) Fredric Peeters maîtrise pleinement son récit, et nous ravit d’une science-fiction porteuse d’influences littéraires issues de récits d’auteurs comme Ray Bradbury (Farenheit 451), ou Stanislas Lem (Solaris), récits où l’étrange et les dialogues priment sur l’action et le sensationnel.

Des films comme Enemy mine, les Maîtres du temps (Moebius), ou des séries telles les Naufragés du temps (Gillon),  ou Aldébaran (Léo), pour leurs luxuriances animales et végétales et leurs réflexions philosophiques peuvent aussi donner une idée approximative de l’ambiance que l’on peut trouver dans Aama.

L’auteur nous immerge ceci-dit dans un monde original et personnel, où l’exubérance et l’étrangeté des décors illustre la sensation d’oppression et de danger que les aventuriers ressentent.

Dans cette longue quête (86 pages dans ce tome), Peeters ne perd cependant à aucun moment son lecteur; et c’est bien là que réside sa grande force, au delà de sa maîtrise graphique, au style très agréable, proche de la ligne claire. Car le scénario est relativement complexe et construit sur un principe de flash-back intéressant (la lecture par un héros devenu amnésique de ses propres notes.)
On notera à ce propos la rare scène d'action particulièrement remarquable située entre les pages 72 à 79, qui marque les esprits par sa violence sauvage.

Aâma : sauvage et sans pitié p.76
©Peeters F/Gallimard



Introspection, relations familiales, peur du « vide », peur de l’autre, confiance en soit et capacité à se dépasser, recherches biologique et expériences bio électroniques… tels sont les quelques thèmes abordés dans Aâma, qui ouvrent grand les possibilités de lecture et d’interprétations.

Une série, comme on l’a dit, dores et déjà culte, avant-même son quatrième (et dernier) tome.



Frederic Peeters recherche quelques uns de (ses) planches/dessins originaux. En avez-vous ?
http://projet-aama.blogspot.fr/2013/11/les-miettes.html

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lundi 13 janvier 2014

Skinner enfant, c'est Travis qui fait la couverture ! (American vampire 4)

American vampire tome 4
Course contre la mort
Snyder/ Albuquerque, Bernet, et al.
Urban Comics
Nov 2013

American vampire est l’une des séries phares actuelles américaines qui cartonne
chez Urban comics, avec Lock and key, et les classiques de chez Dc.
Il faut dire que les scénarios de Scott Snyder nous proposant de découvrir les souches originales américaines de la race des vampires, au fil du temps (ambiance western XIXeme, années cinquante, première guerre mondiale, seconde..aujourd’hui..) sont au top, et que les dessins de Rafael Albuquerque plutôt dynamiques et adaptés au découpage nerveux de Snyder.

Dans le tome 3, on avait laissé notre vampire original américain Skinner sweet en mauvaise posture dans les îles du pacifique (c’était un épisode qui se déroulait durant la seconde guerre mondiale), poignardé avec de l’or (son talon d’Achille), par sa protégé Pearl, souhaitant sauver son amant Henry.

Dans ce tome 4, le récit s’ouvre sur l’enfance de Skinner, alors enfant adopté, dans le conté de Garon, Missouri, en 1863. Lui et son demi-frère, James Brook, vont s’engager dans la cavalerie américaine, et affronter un partie d’apaches belliqueux. Ils en reviendront changés…
Cet épisode western qui va nous révéler les origines réelles de la souche américaine via la déesse Mimiteh, est, oh surprise ! dessiné par le grand Jordi Bernet (Torpédo, Jona Hex), ce qui en fait un chapitre  (de 60 pages) particulièrement appréciable et collector.

Ces révélations d’origines sont d’autant plus importantes que James brook, le demi frère de Skinner est devenu ensuite, on l’a vu dans les précédents épisodes, son premier traqueur lorsqu’il s’est transformé.

L'épisode western original

Le reste du récit se déroule dans les années 50 et nous présente le personnage de Travis Kidd, un teen-ager à la sauce James Dean (d'où la course de voitures en clin d’œil), qui n’a pas eu d’enfance facile, et qui est lui aussi devenu chasseur de vampires.
Sa route agitée va croiser certains des personnages principaux de notre histoire.

… Si l’impression de « déjà vu » peut affleurer parfois à la lecture de ce récit de Vampires « moderne », c’est que la série Vampire diaries (entre autre) a pas mal démocratisé cette manière de conter en flash back, et un Skinner Sweet pourrait quasiment être associé au frère Stephen dans la série sus-citée. D’autant plus qu’à la télévision, les ambiances d’époques et de décors sont aussi intimement liées au récit, faisant son charme.

Mais Scott Snyder rajoute beaucoup plus de punch et de fantastique dans son comics, avec la traque des créatures (« abominations ») évolutives au fil des siècles. Ces bestioles cachées le jour dans des corps d’hommes et dévoilant leur monstruosité ensuite, armées de griffes aussi longues que leurs bras est un atout supplémentaire non vu ailleurs.
Des détails comme le traitement du racisme à la Nouvelle Orléans, dans le dernier épisode "The Nocturnes", dessiné par Roger Cruz et Riccardo Burchielli, et mettant en scène un vampire noir, permettent aussi d’importer un peu de suggestion politique à un récit purement d’entertainment en surface.

C’est tout ce que l’on aime dans American vampire. Et c’est pour cela que l’on attend avec impatience le tome 5.


Voir des planches de bernet sur le site Urban comics.

dimanche 12 janvier 2014

Meilleurs voeux !

Wo wo woooh !

Il est temps de reprendre les chroniques, et surtout...
de vous souhaiter les vœux.

Aussi, au nom de toute l'équipe, je vous adresse nos meilleures pensées pour cette nouvelle année 2014.

Qu'elle soit positive, et surtout..  remplie de plein de livres, bande dessinées, 
comics, mangas! 

Hectorvadair
:-)



Analyses