lundi 28 mars 2016

Léo change d'éditeur, mais continue d'explorer l'avenir humain.

Centaurus 
Tome 2 terre étrangère
Leo, Rodolphe/ Janjetov
Delcourt
Fev 2o16

Leo n'en finit plus de nous proposer des séries de science fiction, et après Aldebaran, Betelgeuse, Antares, Terres lointaines, Ultime frontière, Survivants,  on pourrait croire que la source est tarie et ressentir un certain sentiment de fatigue...
Mais cette nouvelle aventure réussit quand-même à aborder de nouveaux thèmes et à ménager le suspens, assez en tous cas pour permettre de donner l'envie de lire un, puis deux tomes...et en redemander. 

La planète Terre est devenue inhabitable. Nos descendants construisent donc un Vaisseau Monde, et avec 9800 personnes sélectionnées à son bord, celui -ci s'envole pour une destination inconnue, autre point d'attache possible. ...Quatre siècle plus tard, à bout de ressources, une planète de la constellation du Centaure, Véga, semble pouvoir les accueillir. Une mission de huit personnes est donc envoyée en repérage sur cette dernière. Mais ce qui ressemble d'abord à une planète anciennement habitée, délivre peu à peu d'étranges créatures et d'étranges constructions.. Cela ressemblerait même à s'y méprendre à un voyage en forme de boucle ?...

Entre temps, une trappe à même le dessous du vaisseau monde a été découverte. Elle daterait d'une vingtaine d'années et aurait été ouverte de l'extérieur, durant le voyage. Par qui ? Pour quoi faire ? 
Les étranges pouvoirs divinatoires de June, la soeur de Joy, faisant toutes deux partie de la petite équipe, seraient-ils liés à cette curiosité ? ... 


On aime ou on aime pas Léo. Scénariste d'origine brésilienne, très inspiré par les sujets de société humaine et l'avenir de notre race, il a déjà développé quelques pistes de nos possibles devenirs au coeur des séries précédemment citées. Associé à Rodolphe, il semble qu'il ait eu besoin de rajouter  cette partie pour aller encore plus loin dans le développement de ses théories. (Passant chez un autre éditeur au passage.) On ne présente plus Janjetov, super dessinateur, plutôt spécialisé SF, dont le trait fin et les coul
eurs délicates collent parfaitement à ce que l'on attend des histoires de Léo.
On retrouvera ici ce qui a déjà fait le succès des autres albums : un scénario bien ficelé, un suspens ténu, de nombreux rebondissements, et une description de l' humanité assez personnelle, où  les rapports entre personnages mêlent une mixité bien dosée et des pics machistes traités avec humour. L'érotisme doux de Leo fait aussi partie de sa touche, et si par certains aspects, son complexe univers de  science fiction pourrait faire penser à l'autre grand monstre du genre : Jodorowsky, lui  base moins son propos sur la violence des combats et des cultures, mais plutôt celle inhérente à la difficulté de communication entre les êtres, qu'ils soient fait de chair, de chlorophylle ou de pierre. En ça, Léo est plus humaniste et écologiste que son collègue, et ses albums plus positifs.
On en a besoin pour imaginer l'avenir...

Lire une interview de 2015 sur Ligne clair au sujet du projet.

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dimanche 20 mars 2016

Notre descendance contée par Jeff lemire

Descender T1 Etoiles de métal
Jeff Lemire/Dustin Nguyen

Urban comics
Janvier 2016


Niyrata est la plus importante des neuf planètes regroupées sous l’égide du CGU : Le conglomérat galactique unifié. Nous sommes dans un futur plus ou moins lointain, et le docteur Quon, spécialiste des robots, inventeur d’une des premières Intelligences Artificielles est appelé en urgence à sa terrasse : un évènement extraordinaire est en train de se dérouler. Une attaque de robots géants. Celle-ci menace toutes les vies humaines des neuf planètes du conglomérat. (…)
10 ans plus tard, colonie minière de la lune de Dirishu, un jeune garçon se réveille du long voyage qui l’a amené là. Il est semble t-il le seul survivant suite à l’’explosion d’une poche de gaz. Toute sa « famille » et de nombreux autre humains ont péri. Seul son chien mécanique est là pour l’accueillir. Mais Tim est en réalité un des rares exemplaires d’un type de robot particulièrement avancé.
Au même moment, sur Niyrata, la population est tombée de 5,3 million à 1 million d’habitants. Le docteur Quon vient d’être convoqué par le capitaine Telsa, la fille du général Nagoki, responsable du CGU. Ils doivent se rendre avec l’imposant soldat Tullis sur Dirishu, afin de retrouver Tim, qui serait la clé pour combattre les Moissonneurs, ces robots géants venus quelques années plus tôt attaquer Niyrata. Mais le trio n’est pas le seul sur sa piste…
©JeffLemire/DustinNguyen/Urbancomics

Jeff Lemire, auteur déjà apprécié pour de nombreux récits à l’identité alternative forte (dont Trillium et Mr Nobody, déjà chroniqués sur ce blog) a pondu là un scénario particulièrement fouillé et efficace, dans la tradition d’écrits de Phillip K Dick ou Asimov. On retrouve en effet autant le principe des relations complexes entre humains et robots, que les problématiques soulevées par celles-ci, dont le futur de l'un comme de l'autre. 
Au niveau découpage, des ellipses en forward ou flash-back éludent le déclenchement de la guerre, pour mieux nous présenter les divers protagonistes de l’histoire. C'est aussi un moyen malin pour nous faire voyager dans le temps et l'espace. Certains comme la race des Gnishiens, vouent une haine terrible aux robots et leur planète abrite d’ailleurs une fournaise où chaque créature mécanique est projetée sans scrupule. C’est là que doit finir Tim s’il est retrouvé. D’autres comme le CGU tentent de décortiquer son codex afin de lutter à armes égales avec les moissonneurs.

Les scènes de bataille entre les différents protagonistes rappellent de bons mangas classiques comme Gunnm ou même Pluto. Mais on trouvera aisément d’autres références occidentales, et AIE de Steven Spielberg vient assez vite à l’esprit, bien sûr à cause de la présence de Tim, ce jeune garçon qui hésite entre sa condition de machine et d’humain, qu’il voudrait être.
Le trait fin et à peine encré en partie, de Dustin Nguyen, mais aquarellé de tendre couleurs pastels sur un papier grammé, apporte le supplément à ce comics déjà particulièrement attachant aux rebondissements efficaces. 
La 140ème page arrive sans que l’on y prenne garde, et nous maintient dans un suspense accrocheur. Ce qui est très bon signe.

Bref, la collection Urban indies s'enrichit encore d'un premier tome très prometteur, d’une série science-fiction qui fera certainement date.

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lundi 14 mars 2016

Mickey original français chez Glénat, et en fanfare ! (Craziest adventures)

Mickey’s craziest adventures
Trondheim/Keramidas

Glénat
Mars 2016

La maison d’édition Glénat éditait déjà de beaux albums historiques de Mickey(*) mais elle a obtenu cette année les droits d’adaptation du personnage aux grande oreilles en France, et peut donc se permettre de lui rendre hommage par le truchement d’auteurs hexagonaux. La collection s’intitule
« Créations originales», et la première fournée propose : Trondheim, Keramidas et Cosey(1). Tandis que Loisel et Tébo suivront.

L’idée saugrenue mais assez sympathique de Lewis Trondheim pour l’album qui nous intéresse, est de faire croire à la découverte fortuite d’une quarantaine de fascicules originaux américains d’une revue de Mickey des années 1962 à 1969.  « Mickey’s quest ».


"Les avez-vous tous lus ?"©Keramidas/Glénat
Ni une ni deux, les deux amis nettoient les planches disponibles, s’attèlent à une traduction, et le dessinateur réalise une couverture. (Qu’ils disent :-))
En vérité, c’est à une vrai histoire originale, sorte de mise en abîme, que les auteurs nous convient, parce qu’ils ont choisi comme élément narratif le fait qu’il manquait des épisodes, perdus dans le lot, ou que certains étaient trop abimés afin que Lewis Trondheim nous fasse réaliser des ellipses plus grandes que d’habitude. On va donc sauter de pages en pages, en essayant de s’accrocher au récit.

Tout commence dans le coffre fort de Picsou, lorsque celui-ci apprend à Donald que tout son argent a disparu.  Il semblerait que Géo Trouvetou ait inventé une machine à rapetisser, et que Pat Hibulaire et les Rapetous se soient associés pour en faire usage sur l’argent du Magnat radin.
Mais partis en avion avec le butin, ces derniers se sont apparemment écrasés dans une jungle…
Mickey et Donald s’engagent donc à leur poursuite, dans une aventure, sinon sans queue ni tête, en tous cas aux rebondissements nombreux et farfelus.

Non, votre album n'est pas déchiré ! ;-)

La magie jaune de la mise en abîme.














Un plaisir certain de madeleine de Proust pour tout ceux qui ont un jour lu Mickey dans leur jeunesse, d’autant plus que l’on trouve ici quasiment tous les personnages de la licence : Géo, Picsou, Daisie, Minnie, les castors, le cousin de Géo… et toutes les citées englouties et les mystères improbables rencontrés dans nos histoires de jeunesse. Un gâteau fait maison, onctueux, où la chantilly ne manque pas.
Le plus réside cependant dans la présentation des planches, magnifiquement dessinées à l’ancienne par Keramidas, tout comme le papier utilisé, volontairement vieilli et taché, et la maquette elle-même grand format, au dos toilé rouge.

Un régal (presque inavouable) de bdphile, qui séduira petits et grands..

(*) L'âge d'or de Mickey mouse

(1) L'article d'ActuaBD sur le sujet


L'interview de Keramidas. 

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Analyses